Le tourbillon : Rencontre avec Caterina Murino et Philippe Lellouche

Alors qu’ils sont sur scène plusieurs fois par semaine dans la nouvelle pièce de Francis Veber « Le tourbillon« , une comédie actuelle sur la dépression que l’on a eu la chance de découvrir et de grandement apprécier, nous avons eu la chance de rencontrer ses deux comédiens principaux : Caterina Murino et Phillippe Lellouche.

Z : Qu’est ce qui vous pousse à accepter une pièce ? Ça demande beaucoup d’investissement, mais aussi de sacrifier d’autres projets.

Philippe : Sauf quand c’est un auteur comme Francis Veber qui est un géant de la comédie et là on oublie les sacrifices et les doutes. Il y a des auteurs contemporains merveilleux, mais dans les grands noms de la comédie encore en activité, Francis Veber est quand même au sommet. En tout cas, pour les hommes de ma génération, il y avait Audiard. Bien sûr, Yves Robert, Jean-Loup Dabadie évidemment et puis il y a tout en haut Francis Veber. Quand cet homme là vous dit « J’ai pensé à vous pour un rôle », il y a déjà 70% du chemin qui est fait. Après, c’est du travail, mais c’est beau. Reste aussi de savoir ce que raconte la pièce, est-ce que c’est drôle et ainsi de suite.

Caterina : Déjà, c’est la première fois que je fais du théâtre à Paris et quand Philippe m’a proposé une pièce de Francis Veber au Théâtre La Madeleine, j’ai tout de suite dit oui. C’est presque un délire. Après, j’ai découvert une pièce qui n’est pas conventionnelle aussi, ce qui est plaisant. Ça m’a séduit. Et comme je travaille et voyage beaucoup, le fait de rester à Paris et faire une vie presque normale m’a donné envie d’ accepter le rôle. 

Z : Caterina, y-a-t-il une grosse différence entre le théâtre italien et le théâtre français. 

Caterina : Alors pour moi, c’est aussi la première fois que je joue une vraie comédie de boulevard. La dernière fois que j’ai joué en Italie, c’était juste avant le covid, et c’était Huit femmes de François Ozon. Et même si c’est une comédie, c’est avant tout un thriller. C’est donc vraiment la première fois que je fais une pure comédie. C’est complètement différent. J’ai fait jusqu’ici essentiellement du drame et donc Philippe m’a amené dans son univers et moi je vais l’emmener dans mon univers plus tard aussi…. La différence entre l’Italie et la France… En Italie, quand on accepte une pièce, on signe un contrat pendant deux ans et on joue quatre mois, puis quatre mois et surtout on part tout de suite en tournée car ce n’est pas possible de rester quatre mois dans une seule et unique ville. Il n’y a pas autant de public. On reste au maximum deux semaines à Rome, une semaine à Milan et après on joue deux jours ici, trois jours là-bas… Ça arrive pas ainsi par ici. C’est ça aussi qui est complètement différent pour moi, à savoir de rester sur place durant plusieurs mois et j’aime ça.

Z : Et votre plus grand challenge avec cette pièce, c’est ?

Caterina : Voilà déjà 25 ans que je fais ce métier et le théâtre, c’est surtout devoir retrouver de l’énergie chaque soir pour toujours être au top pour le public qui est différent à chaque fois aussi. Avec une pièce de comédie, j’ai du apprendre aussi « Les pauses ». Dans le drame, on sort le texte et on enchaîne, ici Philippe m’a appris qu’il faut laisser des pauses après certains dialogues pour laisser le temps au public de rire… Et reprendre et entendre le texte derrière. C’est un autre rythme à apprendre.

Z : En parlant de Francis Veber, s’il fallait me donner votre film culte issu de sa belle filmographie.

Philippe : Il y en a plusieurs. Je pense que je pourrais dire Le jouet parce que c’est un film qui dénonce ; C’est un film politique en réalité. Mais je suis obligé d’aller vers Le Dîner de cons. C’est tellement, tellement au millimètre de la vanne. C’est la perfection dans la comédie. Tout est millimétré, du dialogue au jeu des acteurs… Et surtout pour l’intemporalité de l’histoire quand même. Parce que Le dîner de cons, c’est un truc qui dans 30 ans, fera encore rêver. Il y a un côté comme ça, hors du temps qui traite d’un phénomène universel qu’est la connerie. Donc oui, Le dîner de cons, je pense. Incontestablement. 

Caterina : Je n’ai pas vu énormément de ses films en Italie. J’ai vu La chèvre, j’ai vu Le jouet. Je vais donc dire aussi Le Dîner de cons qui était très connu en Italie sous le nom « La Cena Dei cretini« . Je l’ai vu avant de venir ici, à Paris. Quand je parle aussi avec mes collègues en Italie et que je dis que je travaille avec Francis Veber, ils me parlent tous du Dîner de cons, ce film emblématique. En bonus, j’ai eu la chance de rencontrer Villeret et de jouer avec Thierry Lhermitte dans Les Bronzés 3, donc ça joue aussi. 

Z : Dans sa manière d’écrire, Francis Veber est très précis, millimétré même et demande que le texte soit respecté à la lettre près. Comment fait-on pour ne pas avoir cette sensation de routine?

Philippe : En fait, c’est comme si je te disais « Tu racontes une histoire drôle à tes copains et tu n’en as jamais marre ». Toi, tu la connais l’histoire, mais eux, non ! Et comme tu sais que tu vas les emmener à rire à la fin, tu prends autant de plaisir à la raconter à chaque fois. Eh bien, je crois que jouer au théâtre, c’est la même chose. C’est ça, le métier, faire comme si on la racontait chaque fois pour la première fois. Alors évidemment, il y a des soirs où on a la grâce, c’est-à-dire qu’il peut y avoir des bugs, des fous-rire etc… Il y en a un qui se prend les pieds dans le tapis et ça fait rire, alors on va garder ce petit truc et le reproduire les autres soirs aussi. Mais en tout cas, le plaisir de faire découvrir des spectacles à des gens est toujours intact parce que c’est la première fois pour eux ; C’est plutôt merveilleux à chaque fois. Donc il n’y a pas de routine. Cette question est intelligente parce que même les acteurs la posent, ceux qui jouent au cinéma plus qu’au théâtre se demandent ça aussi. N’oublions pas aussi la réponse immédiate du public en face là où au cinéma… On est privé de ce retour du public finalement.

Caterina : C’était particulier avec Francis, parce qu’au début, ce n’était pas aussi facile avec mon accent. Il a besoin d’entendre une musique et avec mon accent, cette musique n’était pas celle qu’il avait en tête. Ce n’était vraiment pas simple. J’ai dû travailler encore plus par rapport à ce que je fais normalement. Mais une fois qu’il a entendu ma musique italienne et moi la sienne, tout est rentré dans l’ordre. Mais sincèrement, j’ai dû faire un travail encore plus compliqué que tout ce que j’ai pu faire jusqu’ici depuis mes débuts d’actrice. Ensuite, il y a tout le travail que j’ai toujours fait avec mes prof de français, mes coachs pour être plus clair, pour être plus élargi dans la paroles et ainsi de suite, mais lui pour coller à son rythme, sa musique, il est venu tout gommer. Quand j’ai commencé les répétitions, j’ai de tout recommencer à zéro.

Z : Vis-à-vis du thème de la pièce, qu’est-ce qui à notre époque a le don de vous déprimer ?

Philippe : Alors ça ne dure pas longtemps parce que je gère ce qui me déprime et ce qui m’exaspère assez rapidement. Ce qui est très drôle aujourd’hui, c’est il y a plein de choses qu’on trouvait normales et qui ne le sont plus. Et tout à coup, on vous dit « Alors maintenant il faut penser comme ça, manger ça, faire ça… ». Donc c’est un long apprentissage de dire « Non, non, non ». Ça peut être tragique et en même temps, c’est merveilleux. Parce que d’abord, il n’y a que les cons qui ne se remettent pas en question… Et puis surtout, c’est drôle. Il y a des choses dont on entend jamais parler et qui tout à coup, deviennent un phénomène dont on parle tous les jours. Tout ça est assez fou. Par exemple, le truc le plus incroyable de cette dernière semaine, c’est que l’on n’a jamais été aussi proche du conflit atomique et tout le monde s’en branle parce que c’est « La news du jour » et demain ce sera une autre et une autre après et certaines news minimisent les plus importantes aussi…. Il y a quelque chose de tragique, quelque chose de glorieux là dedans. Il y a quand même un optimisme de la vie qui fait que, à un moment, les problèmes, aussi graves soient ils, on les fous de côté quoi.

Caterina : Tout ce qui se passe au niveau de l’être humain contre l’être humain ou l’être humain contre les animaux, les êtres humains contre la nature, c’est vraiment ça qui m’affecte le plus. On a vraiment de la colère en ce moment et on gère ça, mais ça ne me déprime pas, ce n’est pas le mot. Par contre oui, ça me blesse profondément. J’ai vraiment du mal parfois et j’ai des crises de larmes, de pleurs. Ce n’est pas vraiment de la déprime parce que quand tu es déprimé, tu subis. On se met presque en silence alors que là, c’est vraiment très douloureux parfois de voir ce qui se passe. 

Z : En discutant avec vous Caterina, vous avez dit dit « Philippe » est venu me chercher…

Caterina : En effet

Philippe : Francis Veber m’a dit très gentiment « Avec qui aimerais-tu jouer ? « . Et j’ai pensé effectivement à Caterina parce que c’est une femme que je trouve formidable à tous les étages. Humainement elle est incroyable et c’est aussi une formidable comédienne, très belle et très gentille. C’est vraiment quelqu’un de gentil. Pour moi, c’est une qualité majeure. Et surtout, on ne la connait pas pour être dans la comédie et moi, je trouve qu’il y a plein d’acteurs qu’on a catalogué comme étant cantonné à un style et je ne me retrouve pas dans cette idée. Et j’étais certain qu’elle serait formidable dans de la comédie. Et elle me le prouve tous les jours.

Z : En tant que Auteur, avez-vous des projets à venir ?

Philippe : Il y en a plein même. Je suis en train d’écrire une pièce, puis autre chose. Oui, il est temps que je revienne à ça. J’ai fait une pause, mais je crois que c’est nécessaire à un moment pour se renouveler. En fait, quand on est auteur, il faut très vite sortir de sa zone de confort pour avancer. J’ai écrit sept pièces et je ne voulais pas tomber dans la facilité et faire ce que je sais faire. J’ai toujours peur du moment ou le savoir-faire est au dessus de l’idée qui doit rester la base d’une pièce. La preuve étant, c’est qu’avec Le dîner de cons, Francis, qui avait fait je ne sais pas combien de comédies avant et pourtant là il est arrivé à son apogée avec celle-ci. Il a eu « La bonne idée » et pas que « Le savoir-faire ». Un moment, je me suis dit « Va jouer un peu pour les autres, sort de sa zone de confort » et en tant qu’auteur, en tant que comédien, ça m’aide…

Z : Si Francis venait à adapter la pièce au cinéma sans vous… Quelle serait votre réaction ?

Caterina : Ce n’est pas grave, il faut accepter le choix de l’auteur. Bien entendu cela me rendrait un peu triste, mais faut l’accepter aussi.

Philippe : Pareil pour moi. Bien entendu je me poserai la question du « Pourquoi », mais faut respecter le choix des auteurs. Francis a effectué ce changement avec Le diner de con en remplaçant Brasseur qui était excellent au théâtre par Lhermitte au cinéma. Parfois une dynamique demande d’être différente au cinéma.

Le spectacle se joue actuellement du mercredi au samedi à 21H00 et Les Samedis et Dimanches à 16H30 au théatre de La madeleine.

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